Blog et Actualités
Carnet de voyage / ECole
Centre de formation professionnelle d'Arusha, Tanzania
Lauriane Pinsault; Mars 2023


Etudiants au VTC (Vocational Training Center) à Arusha
Notre deuxième arrêt en Tanzanie nous emmène à Arusha, une ville devenue importante dans le pays pour le commerce des pierres précieuses de couleur grâce à la célèbre mine TanzaniteOne (l’unique mine de tanzanite connue au monde) située à proximité à Merelani Hills.
Nous avons été accueillis au Centre de formation professionnelle (VTC) d’Arusha, une école de gemmologie et de facettage, pour visiter leurs locaux et discuter de l’industrie des pierres précieuses dans le pays.
Le VTC existe depuis 2000 et a formé plus de 800 élèves depuis son ouverture, ce qui représenterait, selon le directeur de l’école, plus de 97% des tailleurs diplômés du pays. Le cursus comprend l’identification, le classement et le tri des pierres précieuses. Il est principalement axé sur les leçons de taille, étalé sur un programme de 6 mois. Les étudiants sont formés sur les tailles locales et internationales. Ces deux types de tailles sont effectuées en suivant des indices d’angles entre les facettes, mais pour simplifier, la différence repose sur la rétention du poids. Localement, les tailleurs ont tendance à conserver plus de poids car ils estiment que cela leur fera obtenir un meilleur prix (les pierres précieuses étant achetées en $/ct). Cependant, ces coupes locales sont très souvent retaillées pour intégrer le marché international pour qui la qualité de la taille surpasse le poids (besoin d’une symétrie parfaite, de proportions optimisées pour la réfraction et la dispersion de la lumière, etc.). Les élèves commencent leur formation de taille sur des billes , avant de passer sur des pierres précieuses naturelles.

Mineurs artisanaux travaillant à Matombo

Fixation de la pierre sur un baton de dop

Machines de tailles

Etudiant préparant la table d'une pierre précieuse, avant le facettage

Lauriane échangeant avec un étudiant sur les méthodes de taille.
Le nombre d’étudiants par section est très variable, principalement en fonction de la situation économique et politique. En effet, l’école a noté que depuis 2015, avec le changement de régime politique, beaucoup moins d’étudiants se présentent. De plus, ils dépendent fondamentalement de l’industrie ; par exemple la fermeture de la mine TanzaniteOne a été un coup dur pour l’école car celle-ci embauchait de nombreux étudiants diplômés. La situation actuelle reste difficile, notamment avec l’impact du Covid et de la guerre en Ukraine qui affectent sévèremment l’économie locale, et réduisent les débouchés pour les étudiants après l’obtention du diplôme. Le directeur a souligné que l’école est encore ouverte de nos jours grâce au soutien de l’ONG GemLegacy qui joue un rôle important dans l’existence du centre depuis plusieurs années maintenant.
Les conversations autour du secteur des pierres précieuses ont mis en lumière les opportunités et les défis du pays. La découverte et le développement de l’exploitation minière de la tanzanite à Merelani a entraîné une croissance sociale et économique forte de la région, étant devenu un moteur essentiel pour l’ensemble de l’industrie tanzanienne des pierres précieuses. Selon le directeur du VTC, les plus grands freins actuels du secteur sont surtout liés au manque de gouvernance et à une mauvaise réglementation. Le pays et les habitants bénéficieraient davantage de la valeur réelle des pierres précieuses si elles étaient taillées dans le pays, conformément à la loi sur la tanzanite qui demande officiellement que toutes les tanzanites de plus de 2 g soient taillées avant l’exportation. En réalité, cette réglementation est peu appliquée et tend à encourager la contrebande plus que la valorisation dans le pays. Le directeur affirme qu’ils ont une main-d’œuvre formée dans le pays pour assurer le processus de taille, car de nombreux étudiants ont été diplômés dans son école au cours des 23 dernières années, et ils pourraient en absorber davantage si le besoin était présent. Un autre exemple de réglementation qui pourrait promouvoir les compétences locales et les pierres précieuses tanzaniennes serait d’imposer aux négociants de pierres du pays d’avoir des machines de taille*.

Le directeur de l'école, Lauriane et la professeur du VTC.
Nous sommes très reconnaissants à GemLegacy de nous avoir mis en contact avec le VTC, et un grand merci aux personnels et aux étudiants du VTC pour le partage de leurs connaissances et de leurs expériences.
Carnet de voyage / Mine
Mine artisanale à Morogoro, Tanzania
Lauriane Pinsault; Janvier 2023


Visite d'un site minier, avec le président de l'association des mineurs de Matombo, une mineure artisanale, et Alpha de PDI Tanzania
En janvier 2023, GeoGems a eu la chance de visiter un site minier artisanal de rubis en Tanzanie.
Un grand merci à Alpha Ntayomba, directeur général de Population and Development Initiative (PDI) en Tanzanie, qui a organisé cette visite et nous a accueillis à Morogoro. PDI est une ONG, initialement basée à Kigoma (ouest de la Tanzanie, au bord du lac Tanganyika), installant désormais un bureau à Morogoro. Morogoro et l’ensemble des montagnes d’Uluguru sont réputés pour leurs pierres précieuses, notamment le corindon, le spinelle, l’améthyste et le grenat. Dans cette région riche en pierres précieuses, PDI promeut l’exploitation minière responsable parmi les communautés ASM (exploitation minière artisanale et à petite échelle), sur divers minerais, de l’or aux pierres précieuses.
Nous avons également été accompagnés sur le site minier par le président de la Matombo Miner Association, lui-même mineur dans la région depuis 30 ans.
Les exploitations sont toutes à ciel ouvert, de 5 à 10 m de profondeur, ce qui rend l’extraction assez facile pour l’exploitation artisanale. Cependant, aucun équipement de sécurité n’est utilisé (les mineurs opèrent même pieds nus) et de nombreux anciens pits ont été laissés à l’abandon. Les mineurs nous ont dit que la taille du gisement de rubis était d’environ 1 km², avec environ 100 mineurs artisanaux travaillant sur les différentes concessions. Compte tenu de la vaste zone riche en pierres précieuses, le nombre de mineurs opérant dans les environs est probablement beaucoup plus élevé.
Comme le gisement se trouve sur des terres privées, les mineurs paient des frais d’exploitation aux propriétaires fonciers et opèrent légalement avec une licence d’exploitation minière. Les mineurs sont généralement organisés en groupes de 3 à 10 personnes, avec des rôles dédiés et un système hiérarchique. Cependant, aucun contrat formel n’existe entre eux : ils partagent les revenus des ventes sur la base d’un accord verbal. Très peu de femmes sont impliquées, et lorsqu’elles le sont, elles s’occupent surtout de la nourriture et de la logistique. Parfois, le propriétaire foncier est aussi un mineur lui-même, auquel cas il perçoit le « loyer » pour le terrain, plus la part des revenus des ventes. Les mineurs ont admis que cette organisation informelle sur le partage des revenus pouvait parfois conduire à des conflits.

Mineurs artisanaux travaillant à Matombo

Fosse et sac de minerai sur le site minier
La mine visitée était située à Matombo et produit principalement du corindon rouge (rubis), du spinelle rose et de la tourmaline verte. Le gisement est secondaire, les pierres précieuses se trouvant dans une couche de terre rouge. De gros cristaux de quartz et de schorl (tourmaline noire) faisaient également partie du minerai. Les mineurs ont expliqué qu’ils suivaient une couche composée de gros galets de quartz et d’agrégats de minéraux, qu’ils considèrent comme un indicateur de la présence de rubis et de spinelles. Aucunes pierres précieuses n’ont été trouvées directement sur place (provenant des fosses ou du minerai) lors de notre visite, mais rapidement les mineurs nous ont montré une partie de leur production. Notamment, leur meilleur « rubis » était un spinelle rose fluorescent (avec une forme d’octaèdre distincte). En effet, les mineurs font la distinction entre rubis et spinelles en se basant uniquement sur la couleur, ce qui peut conduire à des erreurs d’identification.
La production est variable, surtout avec la saison car les activités minières sont plus importantes pendant la saison sèche que pendant la saison des pluies. En effet, la plupart des mineurs ont un autre travail, souvent l’agriculture. De la mine visitée, environ 10 kg de pierres précieuses sont produites par mois (il n’est pas clair si ce chiffre inclus toutes les pierres précieuses ou uniquement le corindon). Les rubis qui nous ont été montrés étaient tous de qualité moyenne à basse, montrant une bonne couleur mais une mauvaise clarté.
Une fois produites, les pierres précieuses sont grossièrement classées en différentes catégories de qualité avant la vente. Depuis 2 à 3 ans, le gouvernement tanzanien a ouvert des marchés et des lieux de vente aux enchères, afin d’inciter les mineurs et les acheteurs à déclarer leur production et leurs ventes, et ainsi à payer les taxes afférentes. A Matombo, les « enchères » ont lieu deux fois par semaine, et rassemblent des centaines de mineurs pour une dizaine de gros acheteurs. Les acheteurs viennent souvent d’autres pays comme le Kenya. Bien qu’ils voient ce lieu de vente comme une bonne opportunité pour eux, les mineurs ont admis que ce qu’ils recherchent, ce sont des profits rapides, ils continuent donc à vendre directement aux acheteurs s’ils sont approchés en dehors de l’heure et du lieu de la vente aux enchères. Les revenus de la mine visitée se situent entre 800 000 TSH (344 USD) et 3 000 000 TSH (1 290 USD) par mois. Considérant 10 kg de pierres précieuses produites par mois, cela représente une vente moyenne autour de 0,02 ct/$. Considérant également que 6 mineurs opéraient sur ce site, cela donne un salaire moyen de 500 000 TSH (215 USD), correspondant au salaire minimum des sociétés minières en Tanzanie.[1].
[1] https://thechanzo.com/2022/12/10/infographic-tanzanias-private-sector-minimum-wage-starting-january-12023/

Production minière de Matombo, spinelles, rubis et tourmalines vertes.

Fosse et nature à Matombo
Cette visite a bien représenté la complexité du secteur ASM, et notamment pour l’extraction des pierres précieuses. Premièrement, les mineurs opèrent légalement et vivent de la vente de leur production. Ils s’organisent comme ils le jugent comme le meilleur et fonctionnent de cette façon depuis de nombreuses années. Cependant, l’absence d’arrangement formel sur le partage des revenus, ainsi que sur les normes de sécurité, pourrait entraîner des violations des droits de l’homme et des blessures graves. La volonté de profits rapides, combinée à l’erreur d’identification et de qualité des pierres précieuses, est également une menace car elle laisse aux acheteurs la possibilité d’acheter la production à des valeurs sous-estimés, en particulier lors de l’achat en dehors des marchés gouvernementaux. Relever les défis du secteur pour mettre en œuvre efficacement une exploitation minière responsable dans un tel contexte implique que tous les acteurs (mineurs, acheteurs, gouvernements) s’accordent sur une stratégie et une vision globale communes, et que chacun y trouve un bénéfice, qui reste à faire.
Remarque sur l’historique :
La région de Morogoro est vaste et on y trouve de nombreux gisements de pierres précieuses, avec, parmi les plus célèbres, Kitonga, Lukande, Matombo et Mahenge. Les rubis de Morogoro sont connus depuis les années 1970, mais ces pierres précieuses sont arrivées sur le marché dans les années 1980[1], le pic de production se situant entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990[2]. La production en 1992 était estimée à environ 200 kg par mois, la qualité étant principalement cabochon[3].
[1] Hänni, H. A., & Schmetzer, K. (1991). New rubies from the Morogoro area, Tanzania. Gems & Gemology, 27(3), 156-167.
[2] Hughes, R. (2008) Gem Hunting in Mahenge & Tunduru. https://www.ruby-sapphire.com/articles/798-tanzania-ruby-sapphire-spinel
[3] Schwarz, D., Pardieu, V., Saul, J. M., Schmetzer, K., Laurs, B. M., Giuliani, G., … & Ohnenstetter, D. (2008). Rubies and sapphires from Winza, central Tanzania. Gems & Gemology, 44(4).
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