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Sur le terrain ...

Cette carte montre les endroits que nous avons visité dans le cadre de nos missions. Cliquez sur la photo d’illustration pour accéder à l’article correspondant.

Carnet de voyage

Australie : un grand partimoine gemmologique

4/4 Les saphirs australiens, les oubliés de l’histoire

Boris Chauviré; Juin 2023

Figure 1 : Mine artisanale exploitée manuellement aux abords de Police Knob, un ancien édifice volcanique à Rubyvale.

Bien que l’Australie soit très réputée pour ses opales, en ayant même fait sa pierre nationale, le saphir a une place importante dans ses ressources gemmologiques. Les gisements de saphir, associés aux basaltes que l’on retrouve sur toute la partie est de l’Australie (du nord-est du Queensland à la Tasmanie), ont fourni une grande quantité des saphirs dits volcaniques dans la seconde moitié du XXème siècle.  Bien qu’à notre connaissance, aucun corindon australien n’ait été trouvé dans la roche mère, ces saphirs ont toutes les caractéristiques d’une origine volcanique. Leur couleur dominante s’étend du bleu à l’orange, en passant par le vert et le jaune et ils peuvent atteindre des tailles importante (plusieurs échantillons non chauffés de plus de 10 ct ont été observés). Durant le voyage, deux des principales zones ont été visitées, une première encore en activité (la région d’Anakie, notamment la ville de Rubyvale) et une seconde qui a été intensément exploitée mais est inactive aujourd’hui (région de New England, autour d’Inverell).

Rubyvale

Rubyvale est une petite ville à dix heures de route à l’ouest de Brisbane, faisant partie de la région gemmifère d’Anakie. Cette région fut la première à connaître une exploitation minière pour les corindons, à la fin du XIXème siècle (Coldham et al. 1985[1]). Très facile d’accès, Rubyvale compte un peu plus de 500 habitants[2] et constitue une zone touristique connue du Queensland. Bien que la plus connue, Rubyvale n’est pas la seule à produire du saphir, car les villes alentours de la région d’Anakie (au nom évocateur comme « Sapphire ») ont également des mines sur leurs sols#. Les saphirs sont trouvés en dépôts éluvionnaires ou colluvionnaires (après altération de la roche mère, mais avec un transport limité). Les différentes exploitations se déclinent de la mine artisanale manuelle (Figure 1), où le mineur creuse à quelques décimètres sous la surface pour trouver les saphirs, à la mine industrielle telle que la Capricorne Mine (car situé proche du tropique du capricorne) géré par Fura Gems. Souvent à ciel ouvert, il existe tout de même quelques mines souterraines, dans lesquelles il est possible d’observer que les saphirs se concentrent dans plusieurs niveaux, dont la richesse, la qualité et la taille des saphirs varies grandement. Les mineurs semblent dire que les saphirs les plus gros se trouvent plus profondément, proche d’un niveau pseudo-conglomératique à une limite lithologique (discordance entre le granite du socle et les sédiments ?), mais les plus grandes qualités seraient dans des niveaux moins profonds. Bien que le paysage soit intensément érodé, les anciens édifices volcaniques à l’origine de la remonter des saphirs sont toujours visibles.

Les mines mécanisées sont ce qu’il y a de plus classique pour l’exploitation du corindon. Le minerai est extrait par excavateur, puis trier d’abord par taille pour enlever les gros blocs de roche, puis de manière gravimétrique à l’aide d’eau dans un jig (une machine qui pulse l’eau par le dessous, remontant les particules fines et légères qui sont emportées par l’eau, laissant les minéraux les plus denses au fond). La ressource en eau étant un enjeu majeur pour cette région, l’eau est récupérée et recyclée (souvent après un passage par un ou plusieurs bassins de décantation). Le gravier gemmifère est ensuite trié, soit aidé par des machines (séparateur magnétique), soit entièrement de manière manuelle. Des zircons (allant d’incolore à orange-brun) et quelques spinelles noirs sont également concentrés dans ces graviers avec les saphirs.

#Par contre, ne vous attendez pas à voir des émeraudes à emerald, la grande ville du comté, car ce nom provient du vert de son paysage.

Inverell

La région de New England, dans le nord de l’état de New South Wales, fut la première région où le saphir a été identifié en Australie vers 1854 (Coldham et al. 1985[1]). Cette région a connu une période faste dans la seconde moitié du XXème, où les négociants asiatiques ont permis l’expansion de la production. Il est même raconté que ces négociants louaient des chambres à l’année dans les motels locaux afin d’acheter des saphirs en permanence, et ainsi fournir le marché. Les grandes fortunes faites sur le commerce des saphirs en Asie du Sud-Est que l’on croyait provenir de Thaïlande ou du Cambodge se serait en partie (en majorité ?) construite sur la richesse des gisements australiens. Autour des villes d’Inverell et de Glenn Innes, de multiples mines souvent mécanisées et pouvant employer plusieurs dizaines de personnes étaient présentes. Aujourd’hui toutefois, seule la présence de quelques boutiques vendant des saphirs dans les villes de la région témoigne de ces exploitations. La dernière mine réellement exploitée a fermé quelques mois avant notre visite de la région, qui peut se considérer comme inactive à partir de cette année 2023. Seuls subsistent quelques endroits à but touristique où il est possible, pour quelques dizaines de dollars, de chercher, avec l’aide d’un ancien mineur, des gemmes.

Cette région est un bon exemple pour voir les conséquences de ses exploitations sur le paysage après plusieurs décennies d’extraction. Pour rappel, les procédés miniers permettant d’extraire les saphirs dans cette région implique de creuser jusqu’à dizaines de mètres de profondeur puis, de séparer les saphirs du minerai par un tri granulométrique et gravimétrique. Dans ce processus, hormis les produits servant à la maintenance des machines ou les hydrocarbures pour leur fonctionnement, aucun autres agents chimiques ne sont nécessaires. Cela diffère grandement de la séparation d’autres minerais comme l’aluminium ou le cuivre qui nécessite des produits comme de la soude ou des acides forts. Bien que l’on puisse retrouver des morceaux de métal dans les zones anciennement exploitées, le paysage ne semble pas avoir garder grande mémoire de ce passé minier. La terre débarrassée de ses précieuses gemmes sert aujourd’hui de sol fertile à cette région agricole, où seuls quelques monticules proviennent d’anciens déblais. Sans connaître l’histoire de la New England, il est difficile de voir l’impact de l’exploitation du saphir sur ce paysage rappelant les comtés anglaises.

[1] Coldham, T. (1985): Sapphires from Australia. Gems Gemol., 21, 130–146.

Inverell

Figure 2 : Exemples de boulders opalisés trouvé dans une mine proche d’Alaric, dans la région de Quilpie.

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Australie : un grand partimoine gemmologique

3/4 Queensland : l’État des opales boulder

Boris Chauviré; Juin 2023

Figure 1 : En haut : échantillons d’opale de Yowah, présentant une « nuts » opalisées, avec des couches concentriques d’opale soulignant l’aspect des concrétions. En bas : un conglomérat opalisé (échantillons de la collection McGuire, exposé à Yowah).

Direction l’état du nord-est de l’Australie pour découvrir d’autres types d’opale : les opales boulders et matrix. La majorité des opales des états de South Australia (à l’exception d’Andamooka) ou de New South Wales sont des opales qui se trouvent dans une argilite ou un grès fin, où l’opale est extraite de la roche et vendue sans la roche hôte. En comparaison, les opales de l’état du Queensland se trouve en fissures ou veines dans des roches ferrugineuses qui sont soit sous forme de concrétions, appelés « boulders » ou « nuts » (terme notamment utilisé pour celles de Yowah, Figure 1 haut), ou sous forme de conglomérat. Dans cette dernière, l’opale est autant dans les petites concrétions qui compose le conglomérat qu’en tant que ciment qui remplis les fissures (plutôt appelé opale matrix, Figure 1 bas). Ces opales sont vendues en spécimens, ou taillé en cabochon en gardant une partie de la roche hôte. Durant ce voyage, il a été possible de visiter trois zones produisant ce type d’opale : Yowah, une mine autour de Quilpie et Koroït.

Yowah

Yowah est un village d’une centaine d’habitant[1] au milieu de l’outback australien, à environ 11h de route de Brisbane (capitale du Queensland). Avec un café, une supérette et un motel, Yowah possède une grande réputation pour ces opales contenues dans des petites concrétions ferrugineuses, les Yowah nuts. Ces nuts se trouvent souvent concentrées dans des niveaux jaunes à bruns d’un grès moyen à fin, mais elles peuvent également se retrouver aléatoirement dans le grès clair alentour. Un premier niveau existe très proche de la surface (un ou deux mètres de profondeur) séparé par du grès d’un deuxième niveau plus profond (à une dizaine de mètres de profondeur) qui souligne une interface entre le grès et une couche plus fine (argilite) sous-jacente. Les niveaux ne sont pas plans, mais varient en profondeur de quelques mètres de profondeur à l’échelle de quelques mètres latéralement. Le grès possède également des variations de granulométrie dans des lentilles de quelques mètres. La couleur des roches semble être des indicateurs de la richesse en opale pour les mineurs.

Les mineurs extraient les nuts soit à l’aide d’outils classique (pioche, barre à mine) soit de manière mécanisée (excavateurs, griffes hydrauliques …), autant à ciel ouvert qu’en mine souterraine. L’opale peut aussi se trouver dans la roche, en dehors des concrétions ferrugineuses. La séparation se fait souvent à la main, et les nuts sont brisées manuellement pour révéler la structure, parfois opalisée. Les mineurs récoltent également la couche gréseuse à conglomératique riche en opale (c.a.d. les opales matrix). L’opale se trouve dans les fissures des nuts, et remplissent parfois les fissures entre les couches concentriques des concrétions jusqu’à remplir totalement ou partiellement le centre du nuts. Un remplissage partiel montre l’orientation du niveau de l’eau (le niveau horizontal) dans les concrétions. Pour observer la variété d’opale boulder de Yowah (et aussi de Koroït) une collection d’échantillon est exposée à Yowah (la collection Macguire).

Quilpie

Le district de Quilpie, au nord de Yowah, est une zone plate possédant plusieurs dizaines de mines mécanisées. Seules quelques mesas (collines à sommet plats de petite surface) cassent la platitude du paysage. Les bords de ces mesas sont exploités pour extraire des boulders. Les mines sont sporadiques et isolées (séparées de plusieurs kilomètres à minima), mais elles sont généralement bien mécanisées. Le sommet des mesas est composé d’un silcrète d’une dizaine de mètres d’épaisseur, très dur, au-dessus d’un grès moyen à fin blanc à rose-rouge. Les boulders, pouvant atteindre plusieurs décimètres d’épaisseur pour plusieurs mètres de longueur, sont aléatoirement répartis sur les dizaines de mètres d’épaisseur du grès (Figure 2). Les boulders sont des concrétions, avec des figures concentriques plus ou moins complexes, où l’opale remplissent les fissures. Le grès est raclé progressivement avec un excavateur, et les boulders sont cassés à la masse pour voir s’ils contiennent de l’opale. Ceux en contenant sont ensuite transportés pour le tri au camp. Dans les fissures opalisées, l’opale peut présenter une stratification horizontale. 

Boulders

Figure 2 : Exemples de boulders opalisés trouvé dans une mine proche d’Alaric, dans la région de Quilpie.

Figure 3 : Faille importante observée dans une mine à Koroït.

Koroït

Koroït est une zone minière restreinte, situé vers l’est entre Yowah et Quilpie, proche de la ville de Humeburn. Avec quelques dizaines de mineurs, cette zone étendue fournit des opales matrix réputées pour leurs motifs (souvent en forme de virgule) ou de petits nodules de concrétions ferrugineux remplis d’opale formant un conglomérat. Toutefois, ces motifs se trouvent également à Yowah, les motifs ne sont pas des indicateurs de l’origine précise, mais ils semblent spécifiques qu’aux opales australiennes du Queensland. Certaines cavités peuvent être partiellement remplies par l’opale et sur un même échantillon on peut observer parfois des cavités remplies totalement ou partiellement.

Comme précédemment décrit, ces concrétions ou conglomérats ferrugineux opalisés sont concentrés dans un ou plusieurs niveaux ferrugineux (jaune à brun), séparés par du grès fin à moyen clair pouvant également contenir des boulders. Les mineurs observent parfois une granulométrie inverse des boulders entre les niveaux ferrugineux : les boulders les plus gros sont à une plus faible profondeur alors que les plus fins sont à une plus grande profondeur. Le dernier niveau ferrugineux à opale se situe à l’interface entre le grès et l’argilite sous-jacente, à une quinzaine de mètre de profondeur.

L’exploitation se fait majoritairement à ciel ouvert, après une prospection de la profondeur des niveaux ferrugineux et de la présence d’opale par forage. Comme pour la mine de Quilpie, un excavateur racle les roches contenant les concrétions, qui sont ensuite cassés à la masse pour évaluer son leurs potentiels en opale. Ces grandes coupes permettent aussi de révéler des incidents tectoniques, comme des failles avec des mouvements de plusieurs mètres. Certains niveaux ferrugineux semblent suivre ces failles, plutôt que d’être entrecoupés par elle, bien que les mineurs relatent trouver des concrétions parfois opalisées dans ces failles.

Avec des motifs uniques soulignés par le contraste entre les minéraux de fer et les jeux de couleur, les opales boulders ou matrix sont des spécimens attractifs. Leur utilisation en joaillerie se limite aujourd’hui au taille cabochon où le plaquage d’opale est mis en avant avec la roche en arrière, oblitérant souvent ses motifs géologiques. Pour un géologue, il est parfois dommage de ne pas avoir ces motifs plus mis en avant. De beaux exemples de ces opales peuvent s’observer à l’Opal Muséum de Brisbane, n’hésitez pas à y passer !

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Australie : un grand partimoine gemmologique

2/4 Un emblème de l’opale : Lightning Ridge

Boris Chauviré; Juin 2023

Figure 1 : Lightning Ridge, une ville tournée vers l’opale.

Après une visite dans les zones opalifères de South Australia, c’est au tour de la ville la plus réputée à l’international pour les opales : Lightning Ridge. Cette ville de l’état du New South Wales, situé à 9h de route au nord de Sydney, est la plus importante des zones d’extraction d’opale d’Australie, comptant plus de 4000 claims déclarés, pour environ 850 mineurs*. Avec plus de 1300 habitants au dernier recensement[1], la ville possèdent toutes les commodités essentielles pour un séjour (plusieurs motels, restaurants, stations-services …). A l’instar de Coober Pedy, toute la ville est tournée vers l’exploitation et la vente d’opale avec sa dizaine de boutiques sur la rue principale (Figure 1).

Lightning Ridge doit sa réputation notamment à sa production d’opales noires, dont les jeux de couleur sont mis en valeur par la couleur sombre de l’opale. Ce nom est tellement associé à ce type d’opale, que des opales noires, provenant d’autres zones (dont Coober Pedy par exemple) peuvent être amenés à Lightning Ridge pour profiter de l’aura de ce nom. La zone exploitée dans le district est très vaste, s’étendant sur plusieurs dizaines de kilomètres autour de la ville comprenant, parmi d’autres, les zones de Garwin, Cocooran ou encore Wyoming. Les noms peuvent également être évocateurs, comme Three Miles (situé à trois miles du centre de la ville) ou encore Sheepyard (désignant une ancienne bergerie étant, avant, sur la zone).

*Selon l’association des mineurs.

Comme pour Coober Pedy, les opales se trouvent généralement en filons horizontaux dans un grès fin blanc avec des niveaux rose, rouge voir brun, et qui, selon les mineurs, sont les niveaux contenant l’opale (Figure 2). Les mineurs recherchent également les témoins de mouvements tectoniques, comme des fissures ou failles verticales qui seraient des signes de la présence potentielle d’opale. Même si la majorité de la prospection se fait à l’aide de forages, certains mineurs utilisent des changements ou des motifs que l’on peut observer dans la végétation. Des alignements d’arbres d’espèces particulières seraient associés à des fissures dans la roche (qui permettrait à la végétation d’atteindre plus facilement les ressources en eau). Les opales sont trouvées aussi sous forme de « nobbies », des galets plats de grès pouvant contenir de l’opale à l’intérieur.

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Figure 2 : Opale commune dans la roche dans une mine souterraine de Lightning Ridge.

Figure 3 : Premier stade de la séparation, avec le lavage du minerai.

L’exploitation est majoritairement mécanisée, souvent en souterrain, avec des niveaux à opale pouvant aller jusqu’à 20 m de profondeur. L’extraction du minerai se fait avec des griffes hydrauliques qui vont gratter la paroi. L’utilisation des blowers+ y est commune, mais un autre moyen est aussi employé pour ramener à la surface le minerai arraché des parois : les sceaux sur rails. Ces sceaux sont remplis au fond du puit, et sont remontés pour se vider directement dans le camion. La méthode de séparation consiste à mettre le minerai dans une bétonnière percée de trous grillagés avec un apport en eau (Figure 3). L’eau va emporter la fraction fine via les grilles, alors que les fractions plus grosses seront ensuite, triées à la main. Ce nettoyage peut durer plusieurs jours, l’apport en eau et la rotation sont ajustés constamment : un manque d’eau fera une boue trop visqueuse pour être évacuée alors que trop d’eau associé à une rotation élevée feront s’entrechoquer les galets pouvant les briser (et les possibles opales avec !).

+voir post précédent sur les opales de South Australia

Lightning Ridge est également connue pour ces coquilles fossilisées opalisées, (de même qu’observer à Coober Pedy), mais aussi pour une grande variété de fossiles de dinosaures (Figure 4). Des dents, des mâchoires ou des os constituant les extrémités des pâtes ont régulièrement fait l’objet d’étude pour reconstituer la faune passée[2,3].

La richesse et la renommée de cette zone opalifère en fait un endroit de choix pour la promotion de l’opale australienne. L’Australian Opal Centre est une initiative populaire, financée en premier lieu par des passionnés et/ou professionnels de l’opale et créé à Lightning Ridge. Ce centre est un musée ouvert au public sur l’opale et sur l’héritage culturel de l’outback australien. Les visiteurs peuvent également suivre des cours ou des ateliers de recherche d’opale, de fossiles et de leurs identifications.

L’association de mineurs permet aux mineurs de mutualiser les coûts pour la déclaration des parcelles, mais aussi les équipements et l’entretien des chemins amenant aux mines. Cette association a également mis en place un comité afin d’évaluer les gemmes et harmoniser les prix. Ce comité se réunit toutes les semaines et les 5 à 10 membres évaluent le prix de quelques pierres soumises par les mineurs (chaque mineur ayant droit de faire évaluer jusqu’à 5 pierres). Chaque évaluation est la moyenne de la valeur estimée par chaque évaluateur.

Lightning Ridge, bien que tourner essentiellement vers les opales, possède une autre particularité. Au milieu du désert, des forages pour pomper l’eau ont été fait et il a été découvert ce qu’on appelle des puits artésiens (du nom de la ville de Lillers-en-Artois, dans le nord de la France). Ces zones où l’eau jailli naturellement de la roche profonde se forme grâce à la géométrie du bassin sédimentaire, avec des couches successives en forme d’assiette (concave). Les aquifères piégés entre deux couches imperméables du bassin sont alimentés par l’infiltration de l’eau dans les montagnes au nord de l’Australie. Pendant deux millions d’année, l’eau va s’infiltrer dans le bassin, et, si une fracture ou un forage est fait au milieu du bassin (généralement à plus basse altitude), l’eau va jaillir naturellement grâce aux principes de vases communicants vu que le niveau d’infiltration est plus haut que celui de sortie. Comme l’eau peut atteindre des profondeurs de plusieurs centaines de mètre, voir quelques kilomètres, elle sera chauffée en profondeur et remontera encore chaude (environ 40 °C à Lightning Ridge).

Après une journée pleine de poussière, de galeries creusées dans la roche et d’opales, un bain chaud sous la Voie Lactée est toujours le bienvenu…


[2]Bell, P.R., Brougham, T., Herne, M.C., Frauenfelder, T., & Smith, E.T. (2019): Fostoria dhimbangunmal, gen. et sp. nov., a new iguanodontian (Dinosauria, Ornithopoda) from the mid-Cretaceous of Lightning Ridge, New South Wales, Australia. J. Vertebr. Paleontol., 4634. 10.1080/02724634.2019.1564757

[3]Bell, P.R., Fanti, F., Hart, L.J., Milan, L.A., Craven, S.J., Brougham, T., & Smith, E. (2019): Revised geology, age, and vertebrate diversity of the dinosaur-bearing Griman Creek Formation (Cenomanian), Lightning Ridge, New South Wales, Australia. Palaeogeogr. Palaeoclimatol. Palaeoecol., 514, 655–671. 10.1016/j.palaeo.2018.11.020

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Figure 4 : Os opalisé provenant de la « main » ou du « pied » d’un dinosaure.

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Australie : un grand partimoine gemmologique

1/4 Les opales de l'Etat de South Australia​

Boris Chauviré; Juin 2023

Carte de l'Etat de South Australia, avec les principales zones opalifères exploitées.

Parmi les pays producteurs d’opale, l’Australie est celui qui a dominé le marché durant tous le XXème siècle. L’île-continent compte une dizaine de zones ayant ou exploitant encore l’opale. Durant ces mois de Mai et Juin 2023, et avec l’aide et support de la Gemmological Association of Australia (GAA), Boris Chauviré a eu l’occasion d’observer certaines de ces zones ayant produit les opales exceptionnelles qui ont fait la réputation de cette gemme. Le principal objectif de ce voyage était de partager l’expertise scientifique acquise sur les opales avec les acteurs de ce marché, des mineurs jusqu’aux revendeurs. Ce voyage a également pour ambition de mieux contraindre et comprendre les zones opalifères australiennes, par un échantillonnage des roches et opales de chaque zone, mais aussi en collectant les connaissances que les mineurs ont acquises à travers le temps.

Contexte

Les premières découvertes des opales en Australie remontent au XIXème, même si des légendes sur elle existaient avant cela. Quelques références à cette gemme se retrouvent dans les cultures aborigènes qui ont peuplé cette terre il y a plusieurs dizaines de milliers d’années avant l’arrivée des européens (jusqu’à 65 000 ans selon des estimations récentes). Ces légendes varient selon les tribus, mais elles font souvent référence à l’arc-en-ciel qui serait piégé dans la gemme (l’arc-en-ciel ayant un poids conséquent dans la culture aborigène). Peu d’études sur la place de l’opale dans la culture aborigène existent car son caractère oral n’a pas permis la transmission après la colonisation.

La redécouverte des opales en Australie s’étend sur toute la seconde moitié du XIXème et début du XXème, et c’est sur les dernières zones découvertes que commence le voyage. Trois principales zones s’étendent le long de la Stuart Highway, qui relie Adélaïde (capitale l’état de South Australia, à Darwin – capitale des Northern Territories). Toutes situées dans l’état de South Australia, on compte du sud vers le nord : Andamooka, Coober Pedy (anciennement nommé Stuart Range) et Mintabie.

De manière générale, bien que de nombreux modèles ont été proposés pour expliquer la formation des opales dans ces régions, aucun ne permet aux mineurs de vraiment savoir où exploiter. L’étape de prospection est donc empirique et elle diffère légèrement selon la zone, mais elle consiste en premier lieu à chercher des « floatters », des morceaux d’opales que l’on trouve à la surface, sans avoir à creuser. Pour faciliter la détection, ils utilisent parfois des lampes UV à 365 nm (UV long), car ces opales fluorescent blanche à verdâtre sous ces lampes. Une fois une zone définie, il peut être décidé de faire des forages pour chercher des « tracers », des morceaux d’opale en profondeur. Ensuite, l’exploitation commence pour extraire le maximum de pierres, avec des moyens différents selon les exploitants. Niveau nomenclature, les mineurs utilisent le mot « potch » pour décrire une opale sans jeux de couleur (appelée commune en gemmologie), et réfère souvent les opales précieuses (avec des jeux de couleur) comme opale « with color ». 

Andamooka

La dernière zone ayant été découverte est la plus au sud, Andamooka (Figure 1). Ce petit village à 600 km au nord d’Adélaïde (6h-6h30 de route) est très facilement accessible par la route, mais ce village ne possède que peu d’animation. Il n’existe à ce jour qu’un seul moyen de se loger sur place (les autres hôtels/motels ayant tous fermé), une station-service et une petite supérette. La plupart des anciens magasins ayant vendu des opales dans le passé sont aujourd’hui fermés, et il n’existe que deux endroits en ville pour voir les opales sorties de terre. Pourtant, cette zone a été un des producteurs majeurs d’opale à partir de sa découverte dans les années 30 jusqu’à son déclin du milieu des années 1970 à aujourd’hui. Des plusieurs milliers d’habitants ayant vécu là-bas dans les années fastes, il ne reste que 262 habitants au recensement de 2021[1]. La population se maintient que grâce à la mine de cuivre et d’uranium de Roxby Downs à quelques dizaines de minutes de la ville.

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Figure 1 : Andamooka !

Figure 2 : Plaquage d’opale (la petite partie blanche/bleu à droite de mon doigt) dans un galet de quartzite. Ce type d’association est typique d’Andamooka.

Bien que la ville semble avoir perdu de son attraction, il resterait environ 130 « claims » en exploitations à Andamooka, selon le bureau local du Departement for Energy and Mining du gouvernement de South Australia. Un « claim » est une parcelle (allant de 50x50m à 100x200m) où le détenteur d’un permis peut prospecter, exploiter et vendre la production de sa parcelle. De fait, bien que la population ait fortement décru, il semblerait que la ville continue d’extraire des opales.

Les opales d’Andamooka sont réputées pour leur stabilité, qui serait bien supérieure que les autres zones exploitées. L’une des spécificités d’Andamooka est ce qui est appelé « Painted Ladies », des plaquages d’opale dans les fissures de galets de quartzites rubanées trouvées dans une argilite blanche/grise à légèrement rougit (Figure 2). Cette argilite compte également des veines horizontales et verticales de gypse. Des opales sont aussi trouvées dans des veines directement dans l’argilite, sous forme de veines (ressemblant à des fissures) horizontales ou verticales.  

L’exploitation peut y être mécanisée, mais elle semble être généralement manuelle. L’excavateur a le rôle de découvrir les niveaux, et le nouvel affleurement ainsi révélé est inspecté à la main pour voir le potentiel. Les mineurs utilisent parfois la lampe UV long pour révéler la présence d’opale, opération qui se fait la nuit (Figure 3). Une collection importante d’opale, provenant principalement des mines de South Australia, est exposée au Andamooka Dukes Bottlehouse Motel. Si vous voulez découvrir ce village, cette collection est définitivement un passage obligé.
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Figure 3 : Affleurement de nuit sous une lampe UV, montrant des patch bleu/blanc d’opale.

Coober Pedy

Coober Pedy est un des noms les plus connus pour les opales australiennes, souvent même nommé la capitale mondiale de l’opale (Figure 4). Facilement accessible par la Stuart Highway, à 9h15-9h30 d’Adélaïde, cette ville de 1566 habitants (au recensement 2021[1]) est très active. La dizaine de boutique d’opale (du brut à la pièce de joaillerie) sur la rue principale, et les quelques musées de l’opale renseignant sur les méthodes d’exploitation actuelles et anciennes de l’opale témoigne de la place centrale de la gemme dans la vie de la ville. D’anciennes mines, ou de simples creusements dans la roche, ont souvent été réhabilitées en logement, constituant un moyen insolite et typique pour découvrir la ville (permettant également d’éviter les chaleurs intenses de l’été).

Même si le nombre de mineurs d’opale a diminué depuis le boum des années 80, il reste tout de même plus de 400 claims déclarés, sur toute la zone de Coober Pedy. La zone exploitée s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres, et chaque zone possède un nom spécifique. Les noms sont souvent transparents sur leur sens, par exemple Five Miles ou Fourteen Miles sont simplement à 5 et 14 miles de la ville, ou the Emu Flat qui est un endroit où des émus étaient couramment observés.

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Figure 4 : A l’arrivée dans la ville : il parait évident que l’on est dans une ville à opale…

Figure 5 : Fossile de bivalve opalisé, avec des jeux de couleur bleu à violet.

Les opales de Coober Pedy sont généralement blanches à incolore, et on y trouve régulièrement des fossiles opalisées (Figure 5). Ces fossiles sont généralement des coquilles de bivalve (classe des moules) ou de brachiopode (cousin ressemblant aux bivalves), voir des belemnites (des os coniques provenant d’un cousin anciens des seiches). Même si cela reste un cas rare, des fossiles de dinosaures opalisés ont été découverts, comme Eric, un pleisosaure opalisé aujourd’hui exposé à l’Australia Museum (Sydney).

Les opales de Coober Pedy peuvent présenter une sorte de stratification, alternant parfois entre opale commune et précieuse. Les opales se trouve souvent en forme de filons horizontaux dans une argilite blanche à rouge (pourtant appelé « sandstone » par la plupart des mineurs), dans des niveaux que les mineurs identifient par la présence de couche rouge à brune. Des fissures verticales sont plus rares, mais elles peuvent produire, dans quelques cas, des quantités importantes d’opale de grande qualité. Ils cherchent des témoins d’une activité tectonique, comme des failles ou des fissures verticales qui, selon eux, permettent de trouver les plus belles opales dans les niveaux.

L’exploitation se fait de manière mécanisée, autant à ciel ouvert qu’en souterrain. La roche est extraite par des excavateurs (pelleteuses) à ciel ouvert, ou des modèles plus réduits dans les galeries souterraines. Dans le cas des exploitations souterraines, la roche est remontée grâce à des machines étant devenu un symbole de l’exploitation d’opale australienne : les blowers. Ces sortes de camions possède une pompe puissante qui aspire (ce serait donc plus juste de parler de « suckers » -suceur ou aspirateurs- plutôt que de « blowers » -souffleurs ; Figure 6). Cette roche est ensuite triée selon la granulométrie, sans apport d’eau, avant triage à la main sous des lampes UV long, pour détecter les opales. Même s’il faut rester prudent avec ce type d’information, la méthode de triage fait que l’on peut s’attendre à ce que la grande majorité des opales de Coober Pedy arrivant sur le marché fluoresce aux UV long.

En parallèle de ces exploitations, quelques personnes vont chercher des opales dans des zones anciennement exploitées ou pas encore prospectées, à l‘aide d’une lampe UV. Cette opération, que l’on appelle le « noodling », est fait aussi partie des attractions touristiques dans des zones dédiées. Certains rapportent que l’on peut aisément trouver des opales de bonnes qualités dans des zones précises. Pour les passionnés d’opale, Coober Pedy est un passage obligé pour découvrir les gisements australiens.

Mintabie

Mintabie est un petit village à environ 350 km au nord de Coober Pedy, à l’ouest de la Stuart Highway. Cette zone a été considérée comme fournissant les plus belles opales de South Australia pendant le boom des années 80. Bien que le nom soit moins réputé que Coober Pedy, Mintabie aurait été un producteur d’opale équivalent à ce dernier dans les années 80 et 90, avec aussi plusieurs centaines de claims déclarés. Cependant, le village a été fermé par le gouvernement de South Australia en 2019, du fait que beaucoup habitants y auraient été logés illégalement. De nombreuses rumeurs semblent dire que la fermeture du village est due à la recrudescence de violence et de trafics en tout genre. Aujourd’hui, seulement une quinzaine de claims sont déclarées sur la zone, son accès est complexe et peu de mineurs y restent en permanence.

 

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Figure 6 : Anciens blowers, avec la forme caractéristique d’un camion avec un bras soufflant la roche aspirée en profondeur.

Carnet de voyage / RENCONTRE

Le "Voi Gemstone Addition Center", Kenya

Lauriane Pinsault; Mars 2023

David Irungun, Responsable Régional du Voi Gemstone Value Addition Center

Entre les visites de mines dans la région très riche en gemmes de Taita-Taveta, le district kenyan à l’ouest de Mombasa, qui comprend notamment le célèbre parc Tsavo, nous avons eu l’occasion de rencontrer David Irungu, le responsable minier régional du Voi Gemstone Value Addition Center (ci-après dénommé le « centre »). Le rôle de David au sein du centre comprend de multiples tâches : résolution des conflits, inspections et conformité des mines et services de conseil et de liaison entre les investisseurs et les propriétaires de mines. David nous a présenté ce nouveau centre à Voi et son objectif). Il nous a également fournit de nombreuses informations sur le secteur minier des pierres précieuses et sa réglementation au Kenya.

Le Voi Gemstone Value Addition Center est un bâtiment gouvernemental dont la construction a commencé en 2015. Le centre n’était pas encore officiellement ouvert au moment de notre visite, son ouverture étant reportée depuis plusieurs années en attendant que le président le commissionne, cela estprévu pour le premier trimestre 2023. Ce centre, unique en son genre au Kenya, est très attendu par les mineurs car son objectif principal est la promotion et le soutien des mineurs artisanaux et à petite échelle (ASM). En effet, le centre comprend 5 équipements principaux :

  • Des stands de trading, disponibles à la location, où l’achat et la vente entre mineurs et revendeurs peuvent se faire dans un environnement sécurisé.
  • Un laboratoire, avec des équipements d’identification des pierres précieuses ainsi que des machines de gravure et de planificateur de taille.
  • Un espace de coupe et de polissage, tant pour la formation que pour le service.
  • Une chambre forte pour réduire les mouvements de produits à l’extérieur du bâtiment.
  • Des salles de conférences pour les réunions et les formations.

La vision du centre est avant tout de fournir un environnement sûr et légal pour le commerce des pierres précieuses dans la région. Les acheteurs seront assurés de la légalité de l’extraction des pierres puisque les mineurs qui accéderont au centre devront être déclarés et avoir des permis. Le commerce au sein du bâtiment évitera la contrebande des pierres précieuses et assurera une meilleure valorisation de ces ressources. Tous les processus de scellage et d’exportation pourront être effectués directement dans le centre, ce qui est un avantage important car actuellement ces démarches ne peuvent être réaliséesqu’à Nairobi. Un autre objectif du centre avec son atelier de taille est d’ajouter de la valeur aux pierres dans le pays avant les exportations.

L’une des tâches de David consiste à maintenir la conformité des mines opérant dans la région. Le cadre juridique minier dans chaque pays est dicté par la loi minière. Comprendre les bases d’une loi minière dans un pays est essentiel si vous voulez être en mesure d’évaluer et de poser les bonnes questions sur la formalité et la légalité d’un produit minéral. Au Kenya, la loi minière a été récemment mise à jour à partir de son ancienne version de 1940. Elle s’appelle le « Mining act of 2016 » et est en vigueur depuis 2017. Cependant, les travaux sur cette loi sont toujours en cours notamment pour intégrer les activités artisanales et de petites échelles (ASM). En effet, les documents requis pour obtenir des permis, ainsi que la taille de la zone minière ne devraient pas être les mêmes pour une opération à grande échelle et une opération ASM. Cependant, David pose la question de la délimitation du type d’exploitation : quand une mine artisanale devient-elle semi-industrielle ou industrielle ? On ne peut pas baser cette différenciation seulement sur le nombre de personnes ni sur les équipements, donc plusieurs critères sont à considérer, ainsi que leur évolution avec le développement de la mine. Cela montre la complexité à laquelle de nombreux pays sont confrontés lorsqu’ils réglementent le secteur minier, et en particulier l’extraction de produits comme l’or et les pierres précieuses qui ont été largement extrait en ASM et de manière informelle.

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Le batiment du Voi Gemstone Value Addition Center

Rencontre de mineurs artisanaux à Kasigau

Dans la loi minière kenyane, deux types de licences existent : la licence de prospection et la licence minière (ou d’exploitation). La première vise l’exploration d’un territoire ; elle dure 5 ans et est moins cher que le permis minier. Elle est renouvelable, mais le renouvellement est soumis à la condition que la concession revendiquée soit réduite étant donné que les travaux d’exploration doivent avoir donner des résultats, et donc restreint la zone d’intérêt. En toute logique ce type de permis devrait déboucher à terme sur l’application d’un permis d’exploitation, d’une durée de 25 ans renouvelable. Dans les faits, le nombre de permis d’exploitation est très faible et la majorité des mines de gemmes du pays opèrent sous permis de prospection. Les ventes de pierres précieuses à partir d’un permis de prospection sont légales, tant qu’elles sont déclarées aux impôts et aux douanes.

Avant de demander une licence, un mineur doit identifier une zone avec des coordonnées GPS et vérifier sur le cadastre que cette zone est libre de permis. Le processus de demande nécessite la soumission d’un certain nombre de documents : certains sont communs aux deux types de permis (casier judiciaire, conformité fiscale, papiers d’identité, etc.), et certains doivent être plus détaillés pour un permis minier (rapport d’étude préliminaire, étude d’impact environnemental, budget, durée de vie de la mine, fermeture et réhabilitation de la mine, etc.). Compte tenu des coûts et de la procédure liés à ces demandes de permis, les mineurs artisanaux sont encouragés à s’organiser en communautés et en coopératives. Le centre vise également à les aider dans cette démarche et espère pouvoir leur délivrer des licences directement à Voi au lieu de Nairobi.

Il y a aussi une volonté de changer la réglementation actuelle sur la licence de négociant afin d’éviter le commerce et les exportations illégales qui sont malheureusement importants au Kenya. En effet, le processus actuel pour ces licences est lourd (cela peut prendre jusqu’à 8 mois pour l’obtenir) et une fois délivré, le permis n’est valable qu’un an avec une date d’expiration au 31 décembre, quelle que soit la date de délivrance. L’objectif serait de prolonger la validité de cette licence pour favoriser sa mise en pratique. La licence de négociant est accessible aux citoyens kenyans et aux personnes étrangères, tant qu’elles ont un bureau au Kenya avec des installations de sécurité.

Un grand merci à David Irungu et ces collègues du centre pour leur accueil et leur temps. Nous avons hâte de revenir et voir le centre en fonctionnement !

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Le "laboratoire" du Voi Gemstone Value Addition Center

Carte simplifiée des plus importants gisements de gemmes de Taita-Taveta

Autres lectures :

Note sur l’histoire des mines de gems dans la région de Taita-Taveta:

La region de Taita-Taveta comprend 4 comtés, nommés Taita, Taveta, Mwatate et Voi. Cette region à une riche histoire minière depuis la découverte en 1967 des tsavorites par Campbell Bridge[1]  (qui gisement qui sera exploité sous le nom de Scorpion Mine). Quelques années seulement plus tard, en 1973, des rubis furent découvert à proximité, gisement qui deviendra la John Saul Mine[2]. D’autres pierres de couleurs sont exploitées dans la région, notamment des tourmalines vertes et jaunes[3]. La région de Taita-Taveta est considéré être une des plus riches du pays en minéraux industriel et pierres précieuses. Une étude de 2014 estime que 80% des revenus du Kenya issus de l’industrie des gemmes en 2003 sont à attribué au travail de mineurs artisanaux et à petite échelle[4].

 
 

 


[1] Bridges, B., & Walker, J. (2014). The Discoverer of Tsavorite—Campbell Bridges—and His Scorpion Mine. Journal of Gemmology, 34(3).

[2] Emmett, J.L., Prairie, B., (1999). An update on the John Saul ruby mine. Gem News. Gems & Gemology. Winter 1999

[3] Simonet, C. (2000). Geology of the Yellow mine (Taita-Taveta District, Kenya) and other yellow tourmaline deposits in East Africa. JOURNAL OF GEMMOLOGY-LONDON-, 27(1), 11-29.

[4] Anyona, S., & Rop, B. K. (2022, March). The character and profile of artisanal and small-scale gemstone mining community in Taita Taveta county, Kenya. In Proceedings of the Sustainable Research and Innovation Conference (pp. 109-125).

Carnet de voyage / ECole

Centre de formation professionnelle d'Arusha, Tanzania

Lauriane Pinsault; Mars 2023

Etudiants au VTC (Vocational Training Center) à Arusha

Notre deuxième arrêt en Tanzanie nous emmène à Arusha, une ville devenue importante dans le pays pour le commerce des pierres précieuses de couleur grâce à la célèbre mine TanzaniteOne (l’unique mine de tanzanite connue au monde) située à proximité à Merelani Hills.

Nous avons été accueillis au Centre de formation professionnelle (VTC) d’Arusha, une école de gemmologie et de facettage, pour visiter leurs locaux et discuter de l’industrie des pierres précieuses dans le pays.

Le VTC existe depuis 2000 et a formé plus de 800 élèves depuis son ouverture, ce qui représenterait, selon le directeur de l’école, plus de 97% des tailleurs diplômés du pays. Le cursus comprend l’identification, le classement et le tri des pierres précieuses. Il est principalement axé sur les leçons de taille, étalé sur un programme de 6 mois. Les étudiants sont formés sur les tailles locales et internationales. Ces deux types de tailles sont effectuées en suivant des indices d’angles entre les facettes, mais pour simplifier, la différence repose sur la rétention du poids. Localement, les tailleurs ont tendance à conserver plus de poids car ils estiment que cela leur fera obtenir un meilleur prix (les pierres précieuses étant achetées en $/ct). Cependant, ces coupes locales sont très souvent retaillées pour intégrer le marché international pour qui la qualité de la taille surpasse le poids (besoin d’une symétrie parfaite, de proportions optimisées pour la réfraction et la dispersion de la lumière, etc.). Les élèves commencent leur formation de taille sur des billes , avant de passer sur des pierres précieuses naturelles.

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Travail de facettage en cours sur des billes

Fixation de la pierre sur un baton de dop

Machines de tailles

Etudiant préparant la table d'une pierre précieuse, avant le facettage

Lauriane échangeant avec un étudiant sur les méthodes de taille.

Le nombre d’étudiants par section est très variable, principalement en fonction de la situation économique et politique. En effet, l’école a noté que depuis 2015, avec le changement de régime politique, beaucoup moins d’étudiants se présentent. De plus, ils dépendent fondamentalement de l’industrie ; par exemple la fermeture de la mine TanzaniteOne a été un coup dur pour l’école car celle-ci embauchait de nombreux étudiants diplômés. La situation actuelle reste difficile, notamment avec l’impact du Covid et de la guerre en Ukraine  qui affectent sévèremment l’économie locale, et réduisent les débouchés pour les étudiants après l’obtention du diplôme. Le directeur a souligné que l’école est encore ouverte de nos jours grâce au soutien de l’ONG GemLegacy qui joue un rôle important dans l’existence du centre depuis plusieurs années maintenant.

Les conversations autour du secteur des pierres précieuses ont mis en lumière les opportunités et les défis du pays. La découverte et le développement de l’exploitation minière de la tanzanite à Merelani a entraîné une croissance sociale et économique forte de la région, étant devenu un moteur essentiel pour l’ensemble de l’industrie tanzanienne des pierres précieuses. Selon le directeur du VTC, les plus grands freins actuels du secteur sont surtout liés au manque de gouvernance et à une mauvaise réglementation. Le pays et les habitants bénéficieraient davantage de la valeur réelle des pierres précieuses si elles étaient taillées dans le pays, conformément à la loi sur la tanzanite qui demande officiellement que toutes les tanzanites de plus de 2 g soient taillées avant l’exportation. En réalité, cette réglementation est peu appliquée et tend à encourager la contrebande plus que la valorisation dans le pays. Le directeur affirme qu’ils ont une main-d’œuvre formée dans le pays pour assurer le processus de taille, car de nombreux étudiants ont été diplômés dans son école au cours des 23 dernières années, et ils pourraient en absorber davantage si le besoin était présent. Un autre exemple de réglementation qui pourrait promouvoir les compétences locales et les pierres précieuses tanzaniennes serait d’imposer aux négociants de pierres du pays d’avoir des machines de taille*.

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Le directeur de l'école, Lauriane et la professeur du VTC.

Nous sommes très reconnaissants à GemLegacy de nous avoir mis en contact avec le VTC, et un grand merci aux personnels et aux étudiants du VTC pour le partage de leurs connaissances et de leurs expériences.

 *Les articles de ce blog relatent l’opinion des acteurs de l’industrie, et ne doivent donc pas être considérés comme le point de vue de GeoGems, qui reste neutre. Il appartient à chaque lecteur d’apprendre, de réfléchir et de débattre sur les sujets abordés.

 

Carnet de voyage / Mine

Mine artisanale à Morogoro, Tanzania

Lauriane Pinsault; Janvier 2023

Visite d'un site minier, avec le président de l'association des mineurs de Matombo, une mineure artisanale, et Alpha de PDI Tanzania

En janvier 2023, GeoGems a eu la chance de visiter un site minier artisanal de rubis en Tanzanie.

Un grand merci à Alpha Ntayomba, directeur général de Population and Development Initiative (PDI) en Tanzanie, qui a organisé cette visite et nous a accueillis à Morogoro. PDI est une ONG, initialement basée à Kigoma (ouest de la Tanzanie, au bord du lac Tanganyika), installant désormais un bureau à Morogoro. Morogoro et l’ensemble des montagnes d’Uluguru sont réputés pour leurs pierres précieuses, notamment le corindon, le spinelle, l’améthyste et le grenat. Dans cette région riche en pierres précieuses, PDI promeut l’exploitation minière responsable parmi les communautés ASM (exploitation minière artisanale et à petite échelle), sur divers minerais, de l’or aux pierres précieuses.

Nous avons également été accompagnés sur le site minier par le président de la Matombo Miner Association, lui-même mineur dans la région depuis 30 ans.

Les exploitations sont toutes à ciel ouvert, de 5 à 10 m de profondeur, ce qui rend l’extraction assez facile pour l’exploitation artisanale. Cependant, aucun équipement de sécurité n’est utilisé (les mineurs opèrent même pieds nus) et de nombreux anciens pits ont été laissés à l’abandon. Les mineurs nous ont dit que la taille du gisement de rubis était d’environ 1 km², avec environ 100 mineurs artisanaux travaillant sur les différentes concessions. Compte tenu de la vaste zone riche en pierres précieuses, le nombre de mineurs opérant dans les environs est probablement beaucoup plus élevé.

Comme le gisement se trouve sur des terres privées, les mineurs paient des frais d’exploitation aux propriétaires fonciers et opèrent légalement avec une licence d’exploitation minière. Les mineurs sont généralement organisés en groupes de 3 à 10 personnes, avec des rôles dédiés et un système hiérarchique. Cependant, aucun contrat formel n’existe entre eux : ils partagent les revenus des ventes sur la base d’un accord verbal. Très peu de femmes sont impliquées, et lorsqu’elles le sont, elles s’occupent surtout de la nourriture et de la logistique. Parfois, le propriétaire foncier est aussi un mineur lui-même, auquel cas il perçoit le « loyer » pour le terrain, plus la part des revenus des ventes. Les mineurs ont admis que cette organisation informelle sur le partage des revenus pouvait parfois conduire à des conflits.

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Mineurs artisanaux travaillant à Matombo

Fosse et sac de minerai sur le site minier

La mine visitée était située à Matombo et produit principalement du corindon rouge (rubis), du spinelle rose et de la tourmaline verte. Le gisement est secondaire, les pierres précieuses se trouvant dans une couche de terre rouge. De gros cristaux de quartz et de schorl (tourmaline noire) faisaient également partie du minerai. Les mineurs ont expliqué qu’ils suivaient une couche composée de gros galets de quartz et d’agrégats de minéraux, qu’ils considèrent comme un indicateur de la présence de rubis et de spinelles. Aucunes pierres précieuses n’ont été trouvées directement sur place (provenant des fosses ou du minerai) lors de notre visite, mais rapidement les mineurs nous ont montré une partie de leur production. Notamment, leur meilleur “rubis” était un spinelle rose fluorescent (avec une forme d’octaèdre distincte). En effet, les mineurs font la distinction entre rubis et spinelles en se basant uniquement sur la couleur, ce qui peut conduire à des erreurs d’identification.

 

La production est variable, surtout avec la saison car les activités minières sont plus importantes pendant la saison sèche que pendant la saison des pluies. En effet, la plupart des mineurs ont un autre travail, souvent l’agriculture. De la mine visitée, environ 10 kg de pierres précieuses sont produites par mois (il n’est pas clair si ce chiffre inclus toutes les pierres précieuses ou uniquement le corindon). Les rubis qui nous ont été montrés étaient tous de qualité moyenne à basse, montrant une bonne couleur mais une mauvaise clarté.

Une fois produites, les pierres précieuses sont grossièrement classées en différentes catégories de qualité avant la vente. Depuis 2 à 3 ans, le gouvernement tanzanien a ouvert des marchés et des lieux de vente aux enchères, afin d’inciter les mineurs et les acheteurs à déclarer leur production et leurs ventes, et ainsi à payer les taxes afférentes. A Matombo, les « enchères » ont lieu deux fois par semaine, et rassemblent des centaines de mineurs pour une dizaine de gros acheteurs. Les acheteurs viennent souvent d’autres pays comme le Kenya. Bien qu’ils voient ce lieu de vente comme une bonne opportunité pour eux, les mineurs ont admis que ce qu’ils recherchent, ce sont des profits rapides, ils continuent donc à vendre directement aux acheteurs s’ils sont approchés en dehors de l’heure et du lieu de la vente aux enchères. Les revenus de la mine visitée se situent entre 800 000 TSH (344 USD) et 3 000 000 TSH (1 290 USD) par mois. Considérant 10 kg de pierres précieuses produites par mois, cela représente une vente moyenne autour de 0,02 ct/$. Considérant également que 6 mineurs opéraient sur ce site, cela donne un salaire moyen de 500 000 TSH (215 USD), correspondant au salaire minimum des sociétés minières en Tanzanie.[1].


[1] https://thechanzo.com/2022/12/10/infographic-tanzanias-private-sector-minimum-wage-starting-january-12023/

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Production minière de Matombo, spinelles, rubis et tourmalines vertes.

Fosse et nature à Matombo

Cette visite a bien représenté la complexité du secteur ASM, et notamment pour l’extraction des pierres précieuses. Premièrement, les mineurs opèrent légalement et vivent de la vente de leur production. Ils s’organisent comme ils le jugent comme le meilleur et fonctionnent de cette façon depuis de nombreuses années. Cependant, l’absence d’arrangement formel sur le partage des revenus, ainsi que sur les normes de sécurité, pourrait entraîner des violations des droits de l’homme et des blessures graves. La volonté de profits rapides, combinée à l’erreur d’identification et de qualité des pierres précieuses, est également une menace car elle laisse aux acheteurs la possibilité d’acheter la production à des valeurs sous-estimés, en particulier lors de l’achat en dehors des marchés gouvernementaux. Relever les défis du secteur pour mettre en œuvre efficacement une exploitation minière responsable dans un tel contexte implique que tous les acteurs (mineurs, acheteurs, gouvernements) s’accordent sur une stratégie et une vision globale communes, et que chacun y trouve un bénéfice, qui reste à faire.

Remarque sur l’historique :

La région de Morogoro est vaste et on y trouve de nombreux gisements de pierres précieuses, avec, parmi les plus célèbres, Kitonga, Lukande, Matombo et Mahenge. Les rubis de Morogoro sont connus depuis les années 1970, mais ces pierres précieuses sont arrivées sur le marché dans les années 1980[1], le pic de production se situant entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990[2]. La production en 1992 était estimée à environ 200 kg par mois, la qualité étant principalement cabochon[3].

[1] Hänni, H. A., & Schmetzer, K. (1991). New rubies from the Morogoro area, Tanzania. Gems & Gemology, 27(3), 156-167.

[2] Hughes, R. (2008) Gem Hunting in Mahenge & Tunduru. https://www.ruby-sapphire.com/articles/798-tanzania-ruby-sapphire-spinel

[3] Schwarz, D., Pardieu, V., Saul, J. M., Schmetzer, K., Laurs, B. M., Giuliani, G., … & Ohnenstetter, D. (2008). Rubies and sapphires from Winza, central Tanzania. Gems & Gemology, 44(4).

 

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